Le colloque portait sur les stigmates du traumatisme et le lien trauma-soma. Il s’est déroulé en 4 temps:

  1. Intervention du Pr. D. Derivois à propos du concept de clinique de la mondialité.
  2. Intervention de l’équipe de Raisonance (Dr Coignoux, médecin psychiatre, Mme Foulquier et Mme Mardelle, psychomotricienne) intervnant au centre pénitencier de Mont-de-Marsan. Leur prise de parole portait sur la prise en charge d’auteurs de violence sexuelle et le lien à la corporalité.
  3. Dr. Diran Donabedian, psychiatre et psychanalyste qui a abordé plusieurs vignettes cliniques de victimes de violences sexuelles et l’impact sur leur relation avec leur corps.
  4. Débat et intervision des différents participants.

Pour des raisons évidentes de confidentialité, je ne vais retranscrire que mes notes sur la clinique de la mondialité.

Pr Daniel Derivois, Université de bourgogne

Contexte de mondialisation : guerre, migration, attentats, criminalité, ce sont des composantes de la question contemporaine clinique.

Alors que les thérapies contemporaines nous attirent vers un ici et maintenant, D. Derivois nous rappelle le contexte particulier de la clinique de la mondialité. Les patients sont impliqués dans des conflits sociétaux, économiques et politiques, dont ils sont victimes. Cette information bouscule l’approche clinique :

  • La dimension sociétale nécessite une prise de distance, car cette époque et ces distances parcourues sont une frontière supplémentaire, au-delà de l’interculturalité, le transfert investi par le sujet est également mondialisé.
  • La thématique victimologique n’est pas à exclure, car la sémiologie du traumatisme dépasse l’interculturel. Cependant, encore une fois, il est à prendre en compte que les sujets sont en occident suite à des conflits réels dont ils ont été victime.
  • Il est hors de question de parler du transfert sans poser la question épineuse du contre-transfert et donc du premier facteur d’erreur de prise en charge (PEC).
  • L’évaluation de la symptomatique du traumatisme nous pousse à considérer le sujet, non plus dans l’ici et maintenant mais dans le ailleurs et toujours. Car le phénomène migratoire a un impact identitaire et son histoire ne le quittera jamais.

La clinique de la mondialité bouscule donc nos moeurs, et c’est un enjeu de taille aux vues des estimations de migration à venir (conséquences climatiques).

D. Derivois attire notre attention sur le terme « mondialité ». Il l’oppose à « mondialisation ». La mondialisation est un phénomène, la mondialité un choix. Une clinique de la mondialisation renvoie à une clinique de la réparation des dommages, donnant un caractère transitoire à la mondialisation. M. Derivois est clair sur cette question : la mondialisation n’est pas transitoire, nous devons faire le choix d’un vivre ensemble, d’où le terme « mondialité ». Il nous invite ainsi à accepter la responsabilité de chacun dans ce phénomène et à produire une autre forme d’investissement avec le sujet victime de la mondialisation.

Des corps dans l’environnement monde

Après le récit rapide de tous les génocides récents, il nous fait comprendre la part de responsabilité « en notre nom » de l’occident dans l’extermination de population, dans le colonialisme et la mutilation psychique qu’a provoqué cette mondialisation dans le passé : suicide collectif d’Amérindiens, scarifications d’esclaves noirs, suicide à l’abord des bateaux frontex (organisme européen de protection des frontières maritimes qui déciment les bateaux migrants).

Comment penser ces corps? Comment penser cet impact psycho-collectif? « Nous avons un héritage sans testament » nous dit D. Derivois, cette responsabilité dont on doit porter le fardeau dans la sphère clinique, pourtant sans indications sur comment le porter, comment l’assumer. Il nous montre cette photo d’enfant Syrien échoué qui avait fait un buzz terrible à cette époque sur les réseaux sociaux et nous invite à se questionner sur le regard que porte le sujet consultant sur l’occident qui le reçoit en soin.

D. Derivois nous conte le récit de ses interventions en Haïti et le traumatisme terrible que constituait la gestion des corps (par les ONG occidentales…) après le séisme. Comment gérer cet écart culturel? Comment quitter l’anthropologie colonialiste?

Héritage des outils (histoire des disciplines)

« Théories » (connaissances) n’est pas « Idées » (convictions). Nous manquons d’idées pour répondre aux besoins de la mondialité.

1098-1985, Georges Devreux, Psychologie transculturelle. Premier à considérer que les patients « possédés » ne sont pas schizophrènes, qu’il s’agit d’un symptôme culturel, peut être même d’une reviviscence d’un événement sociétal.

1954, Louis Mars, Ethnopsychiatrie. Psychiatrie qui s’adresse au tiers monde, cependant teinté d’un ethnocentrisme. Derivois nous appelle à rejeter l’idée de l’ethnopsychiatrie telle que conçue, car elle ne s’adresse pas au monde, et elle reste centrée sur l’ethnie et non sur l’individu lui-même coloré de sa culture. Il faut considérer l’individu dans sa singularité hors du contexte groupal dans lequel l’ethnie l’enferme.

L’institutionnalisation de la pensée occidentale avec la psychologie interculturelle renvoie encore à considérer le patient comme cloisonné dans l’étiquette « migrant ». Pour D. Derivois, c’est une catastrophe qui fait beaucoup de dégâts (il fait allusion à l’effet Pygmalion).

La clinique de la mondialité, une idée.

Considérer l’individu sous toutes ses facettes: Citoyen du monde, Sujet pensant et désirant, Patient consultant. Tous les aspects de cet individu sont importants, quel qu’il soit. L’anamnèse doit être la plus riche possible. Car le contexte culturel doit être prolongé au-delà de l’ethnopsychiatrie et des approches trans ou interculturelles, hors des groupes. Trouver l’individu que le contexte socio-culturel a construit.

La clinique de la mondialité se veut intégrative, elle prend en compte la mémoire collective (Nexus), l’héritage, l’épigénétique, possiblement, le trauma-intergénérationnel que l’individu peut porter. Elle nous invite à penser le corps de l’autre comme un corps messager. Porteur d’un message de notre histoire, l’histoire monde. Sans stigmate pour autant, car le regard stigmatisant est une cicatrice pour l’individu, un rappel constant des séquelles de son trauma.

Vignettes cliniques adolescents MNA

Je n’expose pas les vignettes cliniques car elles sont disponibles aussi dans ses ouvrages que je recommande vivement. Adolescents : victimes-délinquants et Clinique de la mondialité.